En Suisse, la fonction publique est solide et honnête, soucieuse du bien public et de l’intérêt général. Toutefois, un virus particulièrement dangereux en menace la santé. Son nom, latin, Invidia.
Illustration: Giotto, Padova, Scrovegni
Restant généralement diffus, le virus se multiplie parfois exponentiellement dans une ville, dans un canton, dans le pays tout entier, ou aussi au sein d’un groupe d’organes poursuivant des objectifs parallèles. Ce sont des clusters de contamination qui naissent ainsi sporadiquement au sein de la fonction publique, même en Suisse.
La maladie est grave : l’Invidia rend les organes qui en sont infectés si jaloux de leurs prérogatives qu’ils refusent d’admettre que des personnes ou des organes ne faisant pas partie d’une administration puissent contester le bien-fondé de leurs décisions. Ils s’organisent entre eux pour être seuls à décider, pour écarter toute intervention extérieure, pour empêcher toute publication qui leur serait contraire, ils sont très puissants. La conséquence perverse de cette organisation tombe sous le sens : débarrassés de tout contrôle, ces organes prennent tout le pouvoir sur le thème en question. Adieu démocratie, adieu transparence, adieu concours, bonjour les compromissions.
C’est un tel cluster qui s’est formé sur le thème de l’extension de la capacité du nœud ferroviaire de Genève : se sont réunis l’administration fédérale en charge des transports, l’administration cantonale en charge des transports, les CFF.
Prêts à tout pour discréditer ceux qui mettent en doute le bien-fondé de leurs décisions, ces porteurs d’Invidia n’hésitent pas à violer le principe de la bonne foi - ce n’est pas moi qui en suis lésé, c’est la collectivité toute entière - :
- L’Office fédéral des transports a osé affirmer avoir effectué avec les CFF une étude prouvant une forte sous-estimation des coûts de la boucle. Il a dû par la suite avouer que cette étude n’avait jamais existé.
- Les CFF et l’administration genevoise ont osé affirmer que la boucle que je propose rejoindrait la ligne de Lausanne à Mies, à 9 kilomètres de l’aéroport, alors qu’elle rejoint la ligne de Lausanne avant la halte de Genthod-Bellevue, à 4 kilomètres seulement. Il n’en a jamais été autrement.
- L’administration cantonale des transports a osé affirmer que la solution de la boucle nécessiterait la création de plusieurs voies supplémentaires à la gare de l’aéroport. Il n’en est pas question, il n’en a jamais été question. C’est évidemment l’un des avantages massifs de la solution de la boucle : elle ne nécessite aucune extension de gare à Cointrin.
- Les CFF, l’OFT, l’administration cantonale ont en chœur osé affirmer que la boucle ferait qu’un train sur deux visitant Cornavin depuis la Côte vaudoise devrait retourner à la Côte vaudoise en faisant le détour par l’aéroport. C’est faux : des trains parcourront le trajet Annemasse – Cornavin – Côte vaudoise sans passer par l’aéroport. S’il y en a six par heure qui parcourent la boucle dans chaque sens et 6 dans chaque sens qui font le parcours Annemasse – Cornavin – Côte vaudoise, il y en a 12 qui quittent Cornavin en direction de la Côte, sans détour par l’aéroport, et 6 qui quittent Cornavin en faisant le détour. Cette faute ayant fait l’objet de nombreux rectificatifs, on peut légitimement considérer que sa répétition, tout récemment encore, constitue un mensonge caractérisé typique des infectés par le virus Invidia.
- Victimes d’Invidia, ces organes répètent inlassablement leur objection quant à une supposée impossibilité d’inscrire la boucle dans le système cadencé. J’ai fourni toutes les indications nécessaires à la compréhension de cette problématique, sans jamais recevoir de commentaire de leur part. C’est dire si leur maladie est grave.
Je crains hélas que ces organes soient inguérissables, et que l’épidémie s’étende : nombre de députés sont d’ores-et-déjà contaminés – parmi eux plusieurs fonctionnaires.
Avec de tels organes aux commandes, le pire pour l’avenir du ferroviaire en Suisse est à craindre.