Le blog de Rodolphe Weibel - Page 40
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Deux candidates au Conseil d’Etat se prononcent sur la boucle
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Les tenants du chemin de fer le conduisent à la ruine
Des affaires ferroviaires comme celle qui se développe à Genève conduisent le chemin de fer à la ruine. Les tenants du rail devraient sérieusement s’inquiéter de l’image que de telles affaires projettent : une très vilaine image.
C’est un des aspects les plus étonnants de cette affaire : ceux qui ont à cœur de soutenir le chemin de fer cautionnent le désastre qui se dessine : ceux que Madame Jaggi, Conseillère nationale puis députée au Conseil des Etats a nommé avec humour victimes du syndrome Märklin, se montrent incapables d’établir un rapport raisonnable entre les avantages du ferroviaire, indéniables, et ses coûts : amoureux du chemin de fer, ils sont prêts à dépenser sans compter. Il est vrai qu’ils ne dépensent pas leur argent, mais celui de la collectivité toute entière.
Le chemin de fer, en Suisse, coûte 12 milliards par an, coûts induits par les atteintes à l’environnement et à la santé compris. (https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/mobilite-transports/couts-financement/rail.html). Les usagers du chemin de fer en paient 50 % environ, les 50 % restant étant pris en charge par la collectivité. Ce cadeau fait aux clients du rail est consenti en raison de ses vertus. Il est légalement fondé, il n’y a pas à en débattre ici.
En revanche, dans ce contexte ( 50 % de subvention au rail ), il est tout-à-fait inacceptable que la Confédération, qui a la haute main sur l’aménagement et l’extension du réseau ferroviaire, ne veille pas avec la plus extrême fermeté à ce que les dépenses qu’elle décide pour aménager et étendre le réseau ferroviaire soient efficaces, solidement étayées, judicieusement planifiées. Le moindre soupçon de mésusage de l’argent public doit amener les organes de contrôle de la Confédération, au premier chef le Parlement, à procéder à des investigations. Il en va de la crédibilité de tout le soutien public au chemin de fer.
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L’affaire : deux solutions au problème de capacité du nœud ferroviaire de Genève s’opposent. L’officielle et celle de la boucle.
- L’officielle comprend trois volets : une 1ère extension de Cornavin, une seconde extension de Cornavin, la raquette-diamétrale Cornavin – Nations – Aéroport, avec sa nouvelle gare Aéroport, coûterait environ 5 milliards, ses chantiers dégageraient 1,3 millions de tonnes de CO2, elle ne peut être achevée avant 2050.
- La boucle se réalise en une seule étape, composée de plusieurs chantiers répartis le long de voies de circulation déjà existantes, coûterait environ un milliard, ses chantiers dégageraient 0,3 millions de tonnes de CO2, pourrait être achevée en 2030.
Les deux solutions promettent à l’échéance de leurs réalisations (2050 pour l’officielle, 2030 pour la boucle) à peu près la même offre ferroviaire.
La mauvaise foi des adversaires de la boucle les pousse à prétendre que le concours entre les deux solutions n’oppose la boucle coûtant un milliard qu’au 1er volet de l’officielle, qui coûte 1,65 milliards ; il leur suffit alors d’affirmer que l’estimation du coût de la boucle est trop faible, que son coût plus élevé rendrait l’officielle meilleur marché : l’officielle coûterait bien 1,65 milliards, mais la boucle deux. Alors, répétons encore une fois : pour que la comparaison ait sens, la boucle doit être comparée aux trois volets de l’officielle. L’ordre de grandeur du coût de l’officielle est 5 fois plus élevé que celui de la boucle, ce qui rend nulle toute contestation fondée sur les coûts. L’ordre de grandeur de la masse de CO2 dégagée par les chantiers, proportionnelle à leurs coûts, est également 5 fois plus élevé pour les chantiers de l’officielle que pour ceux de la boucle. La boucle économiserait environ un million de tonnes, l’équivalent de 7 années d’exploitation ferroviaire ou encore l’équivalent d’une demi-année d’empreinte carbone de la ville de Genève.
En pièce jointe, le mémoire technique du 18 janvier 2021, mis à jour le 6 mars.
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Des experts ? oui, mais surtout, indépendants
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Les représentants des CFF auprès des autorités cantonales ont à plusieurs reprises répété, à raison bien sûr, que les CFF feront ce que la Confédération, leur propriétaire, leur ordonnera de faire.
Toutefois, les CFF disposent de compétences techniques en matière ferroviaire bien plus étendues et plus approfondies que les organes de la Confédération. De ce fait, ces organes de la Confédération se reposent en ces matières sur les CFF, et ceux-ci portent la responsabilité d’instruire objectivement leur propriétaire sur ces aspects techniques. Même si leur intérêt direct est en jeu, ils doivent l’objectivité à la Confédération, au nom de l’intérêt général, parce que c’est à la Confédération d’arbitrer entre les intérêts directs des CFF (qui peuvent indirectement être d’intérêt général) et l’intérêt général.
En résumé : les CFF ont le savoir, la Confédération le pouvoir. Pour que ce duo fonctionne, les CFF doivent étudier les aspects techniques, informer en toute objectivité, exhaustivement, les organes de la Confédération, ces derniers doivent étudier les aspects non techniques, tenir compte des informations reçues des CFF, faire la synthèse et la proposer au Parlement fédéral.
Il y a bien sûr des domaines techniques spécifiques pour lesquels les CFF recourent à des mandataires tiers, architectes, ingénieurs.
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La desserte de l’aéroport a été décidée en 1980. Pour le cas où le trafic augmenterait suffisamment pour nécessiter une extension de capacité de cette desserte, cette extension serait réalisée par la formation de la boucle. La gare de l’aéroport et la halle 6 de Palexpo ont été dessinées et construites dans cette perspective. Dans les mêmes années a été adopté le système cadencé. Cette simultanéité en témoigne : à ce moment-là, les CFF ne prétendaient pas que la boucle serait incompatible avec le système. Ce n’est que ces dernières années que les CFF prétendent le contraire, avec une argumentation pitoyable : il n’est pas facile de soudain argumenter le contraire de ce qui a été avancé plus tôt.
En 2008, les administrations en charge des transports prévoyaient d’étendre la gare de Cornavin en lui adjoignant parallèlement à la voie 8 actuelle, au niveau des voies actuelles, deux quais supplémentaires, chacun d’eux bordés de deux voies. La boucle de l’aéroport prévue initialement n’est pas mentionnée, pas même évoquée, que ce soit par les administrations ou par les CFF.
En décembre 2011, il n’était plus question que d’un quai et deux voies supplémentaires. La boucle de l’aéroport prévue initialement n’est pas mentionnée, pas même évoquée, que ce soit par les administrations ou par les CFF.
En juillet 2013, il était à nouveau question de deux quais et 4 voies supplémentaires, mais en souterrain. La boucle de l’aéroport prévue initialement n’est pas mentionnée, pas même évoquée, que ce soit par les administrations ou par les CFF.
En 2015, un quai et deux voies souterraines, le quai et les deux voies soustraites étant renvoyés à plus tard…. La boucle de l’aéroport prévue initialement n’est pas mentionnée, pas même évoquée, que ce soit par les administrations ou par les CFF.
En 2020, des Etudes d’approfondissement des connaissances de l’étape 2 de l’extension souterraine du nœud de Genève, confiées aux CFF, en attestent : la solution de 2015 est mise en question. Il s’agit d’importantes modifications réduisant notamment le risque d’un refus citoyen de devoir supporter deux étapes d’extension souterraine à Cornavin d’un milliard chacune, se succédant à quelques années d’intervalle. Bien entendu, ça coûterait plus cher, ce qui invaliderait le financement convenu en décembre 2015, nécessiterait des rallonges des participations du canton et de la Ville de Genève, ouvrirait la porte aux referendums.
C’est donc le moment d’étudier la boucle de l’aéroport, et la comparer avec la solution adoptée par les administrations en charge des transports. Il en va de l’intérêt général, il en va aussi de l’intérêt du chemin de fer en tant que moyen de transport public : l’image publique qu’il projetterait en adoptant une solution non étayée par une étude objective serait désastreuse, et resterait vivace dans les souvenirs citoyens pendant des décennies.
Il ne s’agit pas d’aligner un certain nombre d’arguments critiques de la boucle, comme l’ont fait jusqu’ici administrations et CFF. Il s’agira de dégager les avantages (tous) et les inconvénients (tous) de chacune des deux solutions, de pondérer leurs importances respectives, afin d’établir la balance des deux bilans.
Les administrations et les CFF ayant désormais largement prouvé leur condamnable partialité solidaire, allant parfois jusqu’à proférer des mensonges, il est impensable de leur confier une telle étude. Il convient de la confier à des personnes à même de prouver leur indépendance.