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Genève jette par les fenêtres 550 millions qui pourraient sauver les victimes économiques du Coronavirus

Un lecteur de mon précédent article de blog intitulé « Un demi-milliard tout trouvé pour franchir le confinement » m’a fait savoir qu’il fallait que j’étaie plus solidement mes assertions. Je le comprends : brassant depuis des années le même thème, j’ai tendance à négliger mes lecteurs les plus récents.

Dans le cas présent, pour répondre à mon correspondant, je reprends in extenso mon article du 21 février de cette année.

https://mobilite.blog.tdg.ch/archive/2020/02/20/ce-qui-est-affirme-sans-preuve-peut-etre-nie-sans-preuve-euc-304578.html


Ce qui est affirmé sans preuve peut être nié sans preuve (Euclide, 300 av. J.-C.)

 

L’article que Monsieur Dal Busco a fait paraître dans la Tribune de Genève du 19 février m’y a fait penser : un grand-père, pasteur, écrivait ses prêches dans des cahiers, retrouvés récemment dans des archives familiales. Sans doute revenait-il de temps en temps sur un prêche ancien, qu’il annotait alors en marge à l’encre rouge. On y a trouvé cette annotation-ci : argument faible, parler fort.

Affirmer, c’est facile. L’argumentation exige une solide discipline de pensée.

Monsieur Dal Busco peut affirmer facilement dès son 1er paragraphe que le projet de boucle ne répond pas aux besoins, qu’il ne respecte pas les contraintes d’exploitation, et s’avère au final irréaliste - une fausse bonne idée. Il peut affirmer cela, mais tant qu’il n’avance pas un seul argument soutenant ces affirmations, il ne convaincra pas, même s’il parle fort.

Il ne convaincra pas davantage en affirmant que le « projet Weibel » est tout simplement impraticable parce qu’il a été rejeté non seulement par le canton, mais surtout par les CFF et par l’Office fédéral chargé de la planification ferroviaire. Un argument d’autorité consiste à accorder de la valeur à un propos en fonction de son origine plutôt que de son contenu ; il ne se base pas sur la raison.

Dans le cas présent, il faut se souvenir que ces trois organismes se sont réunis en catimini, sans députés, sans citoyens, sans médias, vers 2008-2009, pour décider que la solution au problème de capacité du nœud ferroviaire de Genève passerait par l’extension de la gare de Cornavin, grâce à l’adjonction aux côtés de la voie 8, au même niveau, de deux quais et de 4 voies supplémentaires. C’est incidemment qu’en 2010 les Genevois ont appris cette décision. Depuis lors, les trois auteurs de ce qui s’est révélé par la suite être une grave erreur (les gens des Grottes, puis les experts qui se sont succédés l’ont prouvé) ont tout fait pour masquer solidairement leur incompétence, en s’opposant à la solution de la boucle. S’ils n’ont jamais voulu étudier la solution de la boucle, s’ils continuent à refuser de l’étudier, c’est parce qu’ils savent depuis longtemps que la solution de la boucle est bien meilleure. Refuser de l’étudier devient dès lors une malversation. Ils ne défendent pas l’intérêt général, ils se défendent.

Monsieur Dal Busco affirme toujours sans preuve ceci :

La solution (de la boucle) n’est pas compatible avec le fonctionnement du réseau ferroviaire suisse. Cet aspect a été très soigneusement étudié et développé.

L’horaire (avec la boucle) en serait rendu illisible puisque la « boucle » générerait des temps de trajets et des parcours différents pour de mêmes relations. Comme par exemple actuellement entre Genève et Zurich via Berne et entre Genève et Zurich via Bienne ?

Le concept manque d’analyse sur l’offre et la demande réelle. L’analyse a été réalisée pour le concept des administrations (au moins faut-il l’espérer … !).

La circulation des trains de marchandises n’a pas été prise en compte. Au contraire, la boucle offre un trajet non menaçant au trafic des marchandises dangereuses.

Les différences d’électrification n’ont pas été prises en compte. Mais bien sûr que si, aujourd’hui déjà, tous les trains de Léman Express sont compatibles, il ne reste que quelques rames isolées.

Les coûts de cette option sont aussi très largement sous-évalués. Par l’OFT, l’administration cantonale des transports, les CFF ? Tous trois ont perdu toute crédibilité sur ce thème. Voir plus haut.

Le développement de la gare de Cornavin est un enjeu majeur. Le débat porte fondamentalement sur ce point : la boucle permet d’éviter toute extension de la gare de Cornavin. Je l’ai abondamment démontré depuis 6 années. Ni Monsieur Dal Busco ni son administration n’ont à ce jour avancé un argument contraire.

L’extension prévue en souterrain répond parfaitement aux besoins futurs. C’est faux. Au contraire, la 1ère extension prévue à Cornavin n’apportera presqu’aucune amélioration de l’offre ferroviaire : elle permettra de faire passer de 5 à 8 la fréquence horaire des trains entre Cornavin et Aéroport, ce qui est inutile, 5 trains de grandes lignes suffisant largement à ce trafic, et de 4 à 5 la fréquence horaire des trains entre Cornavin et La Plaine. Quant aux besoins plus lointains, le concept des administrations, dont la 1ère extension de Cornavin est le fondement, ne pourra pas être réalisé avant 2045.

La solution de M. Weibel remettrait en cause le très important financement fédéral qui a été obtenu à Genève.

  1. le montant de 1,1 milliard que dépenserait la Confédération à Genève ne profiterait pas à l’intérêt général à Genève, il profiterait aux entrepreneurs et aux ingénieurs. L’intérêt général, lui, ne gagnerait grâce à cette dépense que la contrepartie réalisée par les entrepreneurs et les ingénieurs. Cette contrepartie ne serait qu’une très modeste augmentation de la fréquence horaire des trains entre Cornavin et La Plaine, qui passerait de 4 à 5, et
  2. pour que la Confédération dépense un milliard à Genève, il faut que Genève en dépense un demi.

 

Monsieur dal Busco a raison sur un point : Le renforcement de l’infrastructure ferroviaire est un immense défi pour l’avenir de notre pays. Il doit s’appuyer sur des planifications cohérentes, une vision globale et une expertise sans faille.

C’est exactement le contraire de ce qu’ont fait jusqu’ici l’Office fédéral des transports, l’administration cantonale des transports que dirige désormais Monsieur Dal Busco, et les CFF :

  • en 2008, ils ont décidé l’extension de Cornavin par 4 voies et deux quais, sans penser à la desserte de l’aéroport,
  • en 2011, ils ont fractionné en deux phases la réalisation de leur projet, trop cher,
  • en 2011 aussi, ils ont réalisé que la seule extension de Cornavin laisserait très insuffisante la desserte de l’aéroport, ils ont inventé la « raquette »,
  • en 2013, ils ont dû se rendre à l’évidence, leur projet pour Cornavin butait sur une opposition populaire, ils ont donc dû enfouir l’extension, estimant à 1,24 milliard le coût de la seule 1ère phase,
  • en décembre 2014, ils ont buté sur un obstacle qui n’avait pas été détecté à temps, un ouvrage hydraulique incontournable, portant le coût à 2,1 milliards,
  • ils ont remis l’ouvrage sur le métier pour en réduire le coût à 1,6 milliards, avec pour conséquence que le nouvel ouvrage n’est plus exploitable que dans un sens,
  • il est nécessaire de défoncer deux fois de suite toute la partie basse du quartier des Grottes, ceci jusqu’en 2045 – 2050,
  • il est nécessaire de construire une nouvelle gare de l’aéroport sous-souterraine, et une nouvelle desserte par les Nations, coûtant plus de deux milliards, d’ici 2045-2050,
  • jusqu’en 2045-2050, pas un train régional pour desservir  Cointrin,
  • malgré cela, au-delà de 2045-2050, l’aéroport ne sera relié en direct avec aucune halte de la ligne Bellegarde – Coppet, sauf Cornavin et Coppet,
  • le dégagement de C02 des chantiers sera de l’ordre de 1,35 millions de tonnes, 5 fois celui des chantiers de la boucle,
  • le tout coûtera 5 milliards (contre 1,0 milliard pour la boucle).

 

Une planification incohérente, sans vision globale, un parfait amateurisme coûtant 4 milliards de trop, dégageant un million de tonnes de CO2 de trop, un résultat solide seulement dans 30 ans, (20 ans de trop),  si tout va bien, alors que jusqu’ici c’était plutôt le désastre.

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