C’est la perspective de la mise en service du CEVA-Léman Express qui a poussé les administrations à étudier l’extension de la capacité du nœud ferroviaire de Genève. Or Léman Express sera mis en service le 15 décembre 2019, sans qu’aucune augmentation de la capacité du nœud de Genève ait été réalisée, ni même entreprise. Cet état subsistera jusqu’en 2031 en principe, probablement plus.
Ce n’est donc que pour résoudre le problème de capacité de la gare de l’Aéroport que cette extension est réellement nécessaire. Les administrations comptent résoudre ce problème avec la « Raquette ». Manifestement, cet objectif ne peut en aucun cas être atteint avant 2040, probablement plutôt 2045 – 2050.
Le Conseil fédéral vient de rendre public son Message relatif à l’étape d’aménagement 2035 du programme de développement stratégique de l’infrastructure ferroviaire.
Le Programme de développement stratégique (PRODES) est un instrument qui se veut dynamique. Dynamique ? il voit loin, mais sans rester bloqué sur cet avenir lointain. A intervalles réguliers, en principe tous les cinq ans, le Conseil fédéral soumet au législatif une Etape d’Aménagement EA de PRODES, PRODES qui aura été infléchi pour s’adapter à l’évolution. Jusqu’ici, une seule étape a été définie, en 2014, portant sur l’échéance de 2025 : c’est l’EA PRODES 2025.
Pour être inscrit dans l’EA PRODES 2025, le projet doit être suffisamment avancé politiquement et techniquement pour que l’achèvement de sa réalisation puisse raisonnablement être prévu en 2025. Genève n’a pas encore bien assimilé cette contrainte, semble-t-il.
C’est donc en 2013 que le Conseil fédéral a passé au Parlement son message pour EA 2025, et en 2014 que le Parlement l’a adopté, avec de fortes modifications. La nécessaire extension de capacité du noeud ferroviaire de Genève y était comptée pour un montant de 790 millions, suffisant à une extension en surface de Cornavin. Bien sûr, il était de notoriété publique que l’échéance de 2025 ne pourrait être tenue, et que le montant de 790 millions ne suffirait certainement pas pour la solution enfouie, que l’opposition des habitants des Grottes avait suscitée. Mais chut !
Une première approche de l’enfouissement de l’extension a évalué son coût à un peu plus de 2,0 milliards. Il a donc été décidé de fractionner les dépenses en deux étapes. Ce fractionnement n’est pas anodin :
- le coût total passe à 2,67 milliards, la 1ère étape étant évaluée à 1,67 milliard,
- quant à la seconde extension de Cornavin, elle est décidée
- - sans convention de délai,
- - sans financement.
Pour aboutir, l’extension définitive du nœud ferroviaire de Genève devra donc passer par la procédure PRODES et obtenir l’approbation de l’Assemblée fédérale. Le Conseil fédéral, dans son Message pour 2035, ne la propose pas. Il est plus que probable qu’elle ne sera pas inscrite dans le prochain arrêté fédéral. Sa réalisation est par conséquent reportée à 2040 au plus tôt.
Genève Aéroport ne pourra ainsi recevoir aucun train régional avant 2040.
L’administration cantonale le sait parfaitement : la gare de l’aéroport, en impasse, ne peut recevoir plus de 8 trains par heure, et ce sont naturellement 8 trains de grandes lignes qui occupent ces créneaux. Elle propose pour résoudre ce problème son absurde projet de « raquette », cette ligne qui relierait Cornavin à Aéroport en passant par Nations. La « raquette » a pour principal objectif d’intégrer l’aéroport au réseau ferroviaire régional. Or la seconde étape d’extension souterraine de Cornavin serait pourtant indispensable à la réalisation de la « raquette ».
A quoi joue-t-elle, l’administration cantonale ?
Les 1,67 milliards de francs que coûterait la 1ère étape d’extension souterraine de Cornavin ne serviraient presque à rien.
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Dès 2020, dès la mise en service du CEVA, un train tous les quarts d’heure circulera dans les deux sens entre Coppet et Annemasse, et deux trains entre Lausanne et Annemasse. La ligne de La Plaine continuera à être exploitée par deux omnibus chaque heure et deux express régionaux. Si l’administration le voulait bien, il serait possible, au coût de quelques millions, de faire circuler un ou deux trains par heure par le tunnel François Furet, dit aussi tunnel de Châtelaine, qui pourraient relier la ligne de La Plaine à la ligne du CEVA sans passer par Cornavin.
Quels services supplémentaires permettrait la dépense de 1,67 milliards ? Peu de chose : il sera possible de faire passer la fréquence des régionaux sur la ligne de La Plaine de 2 à 4, et de les faire continuer jusqu’à Coppet plutôt que de les faire buter à Cornavin.
L’extension souterraine de Cornavin permettrait cela, oui. Mais je ne suis pas du tout persuadé que ce résultat ne pourrait pas être obtenu grâce à un aménagement relativement modeste, un saut-de-mouton d’une centaine de millions environ.
Le projet à 1,67 milliard n’a de sens que s’il est associé à la « raquette » et sa propre gare de l’aéroport, et la « raquette » n’est possible qu’avec la deuxième extension souterraine de Cornavin. Tout cela coûtera plus de 4,65 milliards, mais rien de tout cela n’est réalisable avant 2040.
A quoi joue-t-elle, l’administration cantonale ?
Ah ! j’ai failli oublier ! la boucle coûtera 740 millions et pourra être achevée en 2030, résolvant d’un coup tous les problèmes, en économisant 4 milliards, en économisant aux Genevois deux décennies de chantiers. Et quels chantiers !