Jusqu’en 2040 au moins, malgré la mise en service du CEVA dès 2020, la gare de l’Aéroport ne pourra être accessible sans changement de train qu’aux habitants du canton de Genève proches des gares de Cornavin et de Versoix. Tous les autres Genevois devront changer de train à Cornavin. Jusqu’en 2040 au moins, aucun voyageur de Haute-Savoie, des Trois-Chênes, des Eaux-Vives, de Champel, de Carouge et de Lancy, de l’Ain, de Bellegarde, de La Plaine, de Russin, de Satigny, de Meyrin, de Tannay, de Mies, de Pont-Céard, de Creux-de-Genthod, de Genthod-Bellevue, des Tuileries, de Chambésy, de Sécheron ne pourra accéder à l’aéroport en train, sauf à changer à Cornavin.
L’autre jour à la rencontre du Forum économique romand, consacrée à l’aéroport de Genève, le chiffre de 25 millions de voyageurs aériens à Cointrin en 2025 a été avancé, soit une augmentation de 50 %. Ce seront 70'000 voyageurs en moyenne par jour, avec sans doute des pointes de 100'000 voyageurs, un cinquième de la population du canton ! Cela pose de graves problèmes de capacité de l’aéroport, dont tout le monde semble conscient.
Mais cela pose aussi, avec tout autant d’acuité, le problème de la desserte terrestre de l’aéroport. Certes, le réseau routier sera d’ici là sensiblement amélioré par l’élargissement de l’autoroute, mais qu’en sera-t-il de la desserte par le réseau ferroviaire, qui semble si utile, et si raisonnable ? Il est en effet rare de rencontrer une telle coïncidence d’intérêts entre ces deux moyens de transport : l’avion et le train. Le chemin de fer y trouve une clientèle très nombreuse, concentrée en un lieu, qui a emprunté, ou va emprunter, un moyen de transport collectif comme il en est un lui-même. L’efficacité évidente de cette rencontre entre le train et l’avion contribuerait fortement à un transfert de la route au rail, dans toute l’agglomération genevoise, et même au-delà.
La réponse à cette question est brève : la desserte ferroviaire de l’aéroport sera restée en 2025 dans son état actuel. Elle sera laissée dans son état actuel jusqu’en 2040. Ni les services de l’Etat, ni ceux de la Confédération, ni les CFF ne semblent accorder de réelle importance ni de réel intérêt à cet aspect désastreux pour la mobilité à Genève, pour l’exploitation de l’aéroport, et pour l'exploitation des CFF.
Parce qu’en impasse, la gare de l’Aéroport peut accueillir au maximum 8 trains par heure. C’est vrai aujourd’hui, et ce sera vrai encore en 2040, si l’Etat ne revient pas à la réalité. C’est ce chiffre qu’adopte le Concept de référence pour l’année 2025 de l’OFT, après la mise en service du CEVA. Ce document prévoit en 2025 4 trains directs (Lausanne – Cornavin - Aéroport) par heure, 2 trains semi-directs (Lausanne – Cornavin - Aéroport, avec arrêts à Morges et Nyon) et deux régionaux (Nyon – Coranavin - Aéroport, avec arrêts inertmédiaires à Coppet et Versoix), ne laissant place à aucun omnibus desservant finement la rive droite de l’agglomération genevoise, à aucun train parcourant le CEVA, qu’il vienne d’Annemasse ou de plus loin en Haute-Savoie, à aucun train passant par La Plaine.
De ce fait, jusqu'en 2040, tous les habitants de ces zones déshéritées devront, s’ils veulent rejoindre en train l’aéroport, changer à Cornavin. Et même après 2040, la mise en service de la raquette n’évitera pas à Cornavin soit une manœuvre de rebroussement de l’omnibus desservant la côte ouest du Lac, soit un changement de train de ses voyageurs.
Au moment où Genève a parié, avec le CEVA, sur le chemin de fer pour assurer l’ossature de son réseau de transport public, Genève n’a rien prévu pour éviter ces transbordements à Cornavin. Quelle erreur ! il est bien connu que les changements de train, ce que les spécialistes des transports appellent des « ruptures de charge », découragent fortement ceux qui envisagent de recourir aux transports collectifs, d’autant plus s’ils sont chargés de bagages.
L’administration, qui est consciente de cette grave lacune, a prévu la «raquette». Mais elle n’est pas pressée de la réaliser, cette raquette. Dans sa mise à jour du Plan directeur cantonal 2030, elle en prévoit la réalisation «en étape ultérieure», « devant se réaliser à long terme ». Elle n’a d’ailleurs demandé pour le moment à la Confédération qu’un crédit d’étude. Si la Confédération accepte de financer l’étude de ce projet très controversé, ce sera au mieux pour l’étape d’aménagement 2025 – 2030, ce qui repousse une mise en service de la raquette à environ 2040, un chantier de deux milliards dans des conditions difficiles durant au moins dix ans (la construction du CEVA, qui coûte 1,6 milliard, aura duré, si tout va bien, 8 ans, et aura été précédée de 11 ans d'études).
Pour autant que la raquette se réalise ! Je n’y crois pas, et n’ai à ce jour rencontré personne qui y croie, hors de l’administration cantonale.
Je rappelle ici le contre-projet GeReR. Il est devisé à 740 millions. Il aurait pu (il pourrait ?) éviter à la fois la 1ère étape d’extension souterraine de Cornavin, la 2ème étape, et la raquette, les trois objets prévus par l’Etat, dont le coût d’ensemble est estimé à 4,6 milliards, soit 6 fois plus. Malgré son coût très modéré, il résout parfaitement, et rapidement, les problèmes décrits ici. La capacité de la gare Aéroport devenue traversante passe de 8 trains par heure à 24, la boucle permet de répartir le trafic arrivant de la rive droite sur deux tracés conduisant à l’aéroport, l’un par Cornavin, l’autre par le Grand-Saconnex, chaque train visitant Genève ne parcourra dès lors Cornavin qu’une fois, et non deux fois comme c’est le cas tant que la gare de l’aéroport reste en impasse, une 1ère fois dans un sens et peu après dans l’autre. La boucle rend toute extension de capacité de Cornavin inutile, et facilite grandement la réalisation d’une halte à Châtelaine.