En principe, depuis février 2014, c’est la Confédération qui prend à sa charge tout aménagement du réseau ferroviaire de Suisse.
Ce principe n’a d’exception que si un canton ou une ville exige un aménagement plus coûteux que nécessaire. C’est ce qui se passe à Genève : c’est parce que Ville et Canton se sont opposés à l’extension en surface de la gare de Cornavin pour exiger qu’elle soit souterraine qu’ils ont été forcés à prendre en charge le surcoût de cette solution, 440 millions pour le canton, 110 pour la ville, sur un total de 1,65 milliard. La Confédération prendrait donc à sa charge l ,1 milliard.
Au cours d’un débat au Grand Conseil portant sur le thème de la boucle de l’aéroport, un membre du Conseil d’Etat énonce ce propos : « Un montant de 1,7 milliard sera injecté ces prochaines années dans une économie locale qui en aura bien besoin, notamment dans le domaine de la construction. »
https://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/020303/14/25/, dernier paragraphe.
Il serait donc bien triste que la solution de la boucle l’emporte sur le projet officiel, puisqu’elle ne coûte qu’un milliard. Et comme la solution officielle, pour être complète, pour être aussi performante que la boucle, coûterait 4,7 milliards, soit 3,7 milliards de plus que la boucle, elle serait bien préférable, puisque c’est un montant de 4,7 milliards qui sera injecté ces prochaines années dans une économie locale qui en aura bien besoin, notamment dans le domaine de la construction : 4,7 milliards, c’est bien mieux qu’un seul misérable milliard.
Dans l’économie privée, entrepreneurs, ingénieurs et architectes ont affaire à des clients qui veillent à ne dépenser qu’à bon escient, en vue d’une contrepartie aussi intéressante que possible. A Genève, le Conseil d’Etat ne veille pas à obtenir la meilleure contrepartie à l’argent public, il fait en sorte que l’Etat dépense beaucoup, au profit d’une économie locale qui en aura bien besoin, sans se soucier de la contrepartie. Il est surtout généreux lorsqu’il s’agit d’argent appartenant à la Confédération, mais n’hésite pas à même l’être avec l’argent des Genevois, les 440 millions du canton et les 110 millions de la Ville.
Tout ça n’a aucun sens. La seule position raisonnable du Collège du Conseil d’Etat en cette matière consiste à s’assurer de la valeur de la contrepartie d’intérêt général à l’argent public dépensé. Si une dépense de 1,7 milliards ne sert à peu près à rien, le Conseil d’Etat doit la rejeter, même si l’économie locale en aurait bien besoin, notamment dans le domaine de la construction. Il en va de l’intérêt des contribuables genevois, qui économiseront 550 millions. Il en va aussi, bien évidemment, de l’intérêt des contribuables de toute la Suisse, qui auraient à payer 4,1 milliards pour la solution officielle, mais un milliard seulement pour la solution de la boucle.
Mais surtout, il en va de l’image de l’Etat. De l’image de la République et canton de Genève, qui demande à la Confédération de dépenser beaucoup à Genève, non pas pour des investissements efficaces, nécessaires, non, mais au profit d’une économie locale qui en a bien besoin. Mais il en va aussi de l’image de la Confédération, qui serait susceptible d’accepter une telle demande.
Il ne faut pas s’étonner que le Conseil d’Etat prône et soutienne avec acharnement la solution à 5 milliards du problème de capacité du nœud ferroviaire de Genève, même si les Genevois doivent y participer par 550 millions : il ne veille pas à l’intérêt général, - pour ce faire, il devrait s’assurer que l’ouvrage en question vaut la dépense qui lui serait consacrée - il veille à l’intérêt des entreprises, des ingénieurs et des architectes.
Il ne faut pas s’étonner que le Conseil d’Etat ait commandé et dirigé une étude du contournement est de Genève qui coûterait l’énorme somme de 4,775 milliards, alors qu’une autre solution en coûterait environ trois, tout en présentant l’énorme avantage d’une traversée mixte du Lac : ce qui compte à ses yeux, ce sont les entreprises, les ingénieurs et les architectes, pas l’intérêt général. Le fait que ce soit la Confédération qui devrait payer le tout ne devrait pas permettre au Conseil d’Etat de la République et Canton de Genève de tenter d’en tirer le maximum dans l’intérêt non pas public, non pas général, mais dans l’intérêt des entrepreneurs, ingénieurs et architectes : ce serait une tentative exercée aux dépens des contribuables de toute la Suisse, que seule l’administration fédérale serait en mesure d’empêcher. Jusqu’aujourd’hui, cette dernière ne semble pas s’engager dans ce sens.
Le constat est flagrant dans ces deux cas : le Conseil d’Etat et son administration ne font aucun cas du fait que l’argent coûte. Rien n’est assez cher pour une économie locale qui en aura bien besoin, notamment dans le domaine de la construction.
Pour prendre connaissance des deux solutions, je vous invite à consulter les deux articles de blog qui précèdent celui-ci. Voici le tableau comparatif des coûts :
Je ne saurais terminer sans le préciser : il ne faut pas accabler les entreprises, les ingénieurs et les architectes. L’image que je donne d’eux dans ce texte n’est pas la mienne, c’est celle que leur prête le Conseil d’Etat. Et ce n’est pas à eux de dénoncer ce comportement des autorités, ils sont vraiment très mal placés pour le faire.